From New York to New York - Chapter 2
Hit the road, Jack!
Le chapitre 2 de ce voyage est sûrement le moins excitant de tous à
lire comme à raconter, mais pas le plus inintéressant à vivre, tant il
est fondateur des trois suivants, et tant nos attentes et l'impatience
de vivre ce que nous allions vivre, de voir ce que nous allions voir,
nous habitaient au moment de partir. Comme d'habitude désormais
lorsqu'il s'agit d'une expédition je présente la troupe, même si un
lecteur assidu de ce blog aura fini par reconnaïtre que ce sont
toujours les mêmes qui me font parler d'eux, ou presque. La troupe
cette fois-ci, c'est encore Vincent, le réunionnais de service,
Mouloud, son colocataire et camarade de promotion, kabyle par son ADN,
et donc détenteur du fameux "coup de boule kabyle" désormais
mondialement connu, Frédérique, la copine de Mouloud, en vacances à
Princeton, une dijonnaise exilée à Paris (ça ne s'invente pas !), et
moi-même.
Le
départ en milieu d'après-midi, après une nouvelle
demi-journée passée à Siemens à "ne pas révolutionner la science",
selon l'expression consacrée, se fit dans la bonne humeur et la
quasi-ponctualité dont Mouloud est capable (il a VRAIMENT failli
partir sans son passeport et son formulaire DS-2019 sans lequel la
traversée de la frontière américaine devient un défi osé), malgré un
huitième de finale de Coupe du Monde à la télévision. Au programme, une
dizaine d'heures de route, pauses comprises, pour se rendre au tout
petit matin, à Niagara Falls, Ontario, Canada. Google map annonçait 400
miles à parcourir et prédisait huit heures de route, mais Google Map
est un ordinateur, et il ne connaît pas bien la dimension que peuvent
prendre les pauses pipi-Mc Donald's-essence-repipi-paquets de gâteau
dans un périple de la sorte, ni même les phénomènes, de
tiens-ce-week-end-c'est-le-4-juillet-alors-tous-les-américains-vont-prendre-
la-route-le-vendredi-en-milieu-d'après-midi-pour-faire-300-miles-et-aller-se-
dorer-la-pilule-autour-du-barbecue-une-bière-à-la-main-dans-la-maison-familiale.
C'est-à-dire qu'au bout d'une heure et demie de route, quelque part en
Pennsylvanie australe (c'est-à-dire pas bien loin de chez nous), des
files de voitures agglutinées à vitesse réduite se prolongeaient à
perte de vue, nous donnant une certaine image évocatrice de ce qu'est
la perte de temps. M'enfin, je n'étais pas au volant, Vincent
conduisait, serein, sans savoir que toutes les emmerdes que nous
allions pouvoir avoir sur la route seraient pour lui ce week end, tandis
que j'allais avoisiner sur mes périodes de conduite des copieuses
moyennes de 80 miles/h, sans même me faire inquiéter par la marée
chaussée.
Une autoroute américaine, c'est un peu
comme une autoroute
française, sans les barbelés sur les côtés et les ponts recouverts de
végétation pour faire traverser la faune sylvestre. Et ça traverse
plein de paysages magnifiques, et même quelques villages accrochés à
des collines comme on pensait que ça ne pouvait pas exister ici. On s'y
fait doubler par des pick-ups avec des coffres grands commes des
chambres d'étudiants, des trucks avec les cheminées rigolottes sur les
côtés et des Porsches Carrera à se demander si c'est bien une marque
allemande. Les autoroutes sont également gratuites, ou presque, ce qui
veut dire qu'il y a énormément de péages auxquels il faut donner 50
cents, 1 dollar ou deux, pour la traversée d'un pont, d'un tunnel, ou
autre chose. Toutes les réserves de petite monnaie s'épuisent vite dans
ces conditions. Et puis il y a les "aires", souvent un agglutinement de
motels, de stations essences, de toilettes, et de fast-foods. Alors
forcément, quand on s'arrête soit parce qu'on a plus d'essence, soit
parce qu'on a faim, soit parce que ça fait une heure que les passagers
nous parlent de leur vessie, on finit souvent, par et faire le plein,
et manger, et pisser. Une sorte de rituel s'installa rapidement. Un
road-trip, c'est toujours un moment fort, ou les individualités
enfermées dans une coque en feraille des heures durant ne peuvent
s'empêcher de communiquer, c'est un moment d'intimité à quatre qu'on
essaie de rendre le plus agréable possible malgré la longueur, bref, un
road-trip, ça crée des liens, et c'est déjà pas mal.
Les
heures passèrent rapidement, à écouter les quatre disques gravés pour
l'occasion, qui allaient se révéler ô combien insuffisants.
L'itinéraire était simple : à la sortie de Princeton, prendre
l'autoroute vers le Nord, faire 200 miles, à Syracuse, dans l'état de
New York, changer d'autoroute pour aller vers l'ouest, refaire 200
miles. A peu de choses près, on n'aurait pas eu besoin de cartes. Et on
ne s'est pas perdu, jusqu'à arriver, vers une heure du matin, au poste
frontière au dessus du Niagara indiqué par notre itinéraire, de l'autre
côté duquel nous attendaient notre hôtel. Mais voilà, Google Map, qui
décidément ne comprend rien à rien, nous avaient amenés à un poste
frontière fermé la nuit, et là, petit coup de panique. Nous nous
voyions mal traverser le Niagara à la nage, vraiment. Finalement, aprés
avoir humer le vent par la fenêtre pour détecter la direction du plus
proche poste frontière, nous nous décidâmes pour une, qui du premier
coup nous amena au VRAI poste frontière des chutes du Niagara, le poste
entre les USA et le Canada le plus fréquenté avec celui de Détroit.
Mais à une heure du matin, la file était courte, et non sans nous avoir
demander de montrer patte blanche, la douane canadienne nous a
gracieusement acceptés sur son territoire. La ville canadienne de
Niagara Falls illuminait la nuit des feux de ses hôtels casinos,
tentants de fasciner le touriste pourtant déjà tout fasciné, l'attirant
vers ce business lucratif qu'est le phénomène naturel qu'elle
surplombe. Déjà un peu bizarre, cette ville objet, mais après avoir vu
Atlantic City, j'étais moins surpris que j'aurai pu l'être.
Trouver l'hôtel n'était plus qu'une histoire de minutes, et nous nous retrouvâmes bientôt dans un motel tout à fait respectable, à portée d'oreilles de la rivière, avec deux lits à partager à quatre, certes un peu déçus de ne pas avoir sur voir les chutes tant attendues de nuit, mais plein d'espoir pour le lendemain.