Graduation

"Dans ton bureau, si t'as un diplôme, t'as l'air intelligent. Si t'as un climatiseur, t'as l'air conditionné" - Pierre Legaré

C'est dans le cadre de la prestigieuse Ecole Militaire, son manège, sa piste d'athlétisme et son très bel amphithéâtre, face à la Tour Eiffel et par un samedi d'octobre ensoleillé, que je me suis vu remettre, avec mes camarades de promotion et des mains du Général Tixeront, Directeur de l'École Nationale Supérieure de Techniques Avancées, en uniforme d'apparat s'il vous plaît, … une enveloppe au format A4.
Cette phrase est un peu tombée à plat, mais voilà la suite : une enveloppe A4 donc, dans laquelle se trouvait mon diplôme d'ingénieur. Après trois ans passés dans les murs de cette école (moins les dix mois de stage, les sept mois de vacances, les week-ends, et tous les jours ouvrables où je n'ai "pas entendu mon réveil" selon la formule consacrée), me voilà ingénieur diplômé de l'ENSTA.
La cérémonie, remarquablement réglée par les délégués de promotion, prit la forme de retrouvailles collectives après des mois de stage, et de joyeux rassemblement à la gloire de ce qui restera dans un livre de la Délégation Générale de l'Armement la Promotion 2006 de l'ENSTA. Donc, dans une ambiance "tout le monde est formidable et félicitations à chacun pour le travail accompli, élèves, parents, professeurs, administration, associations, bibliothécaires, gardiens de l'entrée, mais pas ancien chef du bureau international", nous, élèves diplômés, avons défilé par petits groupes à thème de taille variable. Je me suis retrouvé dans le groupe "Arts & Culture", ce qui peut susciter l'incompréhension de beaucoup. Mais je me suis investi dans l'association vidéo de l'école, qui sans avoir de prétention artistique, peut vaguement être reliée à certains métiers du septième art, et surtout, j'avais expressément demandé à ne pas me retrouver dans le groupe "Systèmes d'Informations et de Communication", ma filière de troisième année avec tous les geeks avec lesquels je n'ai jamais partagé une bière, s'il vous plaît, laissez-moi être diplômé avec mes copains. Cette dernière requête, dont la légitimité est plus que douteuse, semble avoir ému le délégué de promotion qui s'est fait suer tout septembre à essayer de contenter tout le monde. Merci à lui.

"A la fin de l'ENSTA, je touche"

Et en plus d'être dans ce groupe, je m'en suis retrouvé porte-parole, chargé de prononcer un discours en son nom, à deux voix avec mon excellent ami Pierre. Un discours devant cinq cents personnes, il y a de quoi effrayer le gamin timide qui vivote toujours en moi, mais d'une part, le public nous était normalement favorable dans ces circonstances, et d'autre part, c'était un petit honneur que nous ne pouvions refuser. Alors, décidant d'assumer complètement le nom de notre groupe, nous nous décidâmes au dernier moment pour réécrire LA tirade du nez de Cyrano de Bergerac, en alexandrins s'il vous plaît, et sur le ton de la vie culturelle de l'école, somme toute assez riche. La forme nous semblait rigide et un peu osée, pour ne pas dire prétentieuse, et il y avait pas mal de tension au moment de prendre la parole, mais la salle réagit de la meilleure des façons, et un certain nombre de compliments pendant la réception qui suivit nous ont rassurés sur le choix fait.
S'ensuivit une dernière soirée dans les murs de l'école, et malgré une crève de cathareux, un excellent "dernier" moment de vie étudiante.

"You'll be a Man my son!" - Rudyard Kipling

Car c'est par ce rite de passage moderne que se terminait ma vie étudiante pour ouvrir la page de ma vie professionnelle (oh le joli poncif !). Un programme longuement anticipé, et peu souvent pris au sérieux. L'école et mes six ans de vie étudiante sont derrière moi, et sauf découvertes surprenantes de la physique, ne devraient pas revenir. Je n'ai jamais vraiment eu envie d'être diplômé, tout comme je n'ai jamais vraiment eu envie d'avoir dix-huit ans, puis vingt ans, puis plus. Je n'ai jamais souhaité non plus que ça n'arrive jamais. Je prends le diplôme comme un évènement dans la "force", ou l' "ordre des choses". Peut-être parce qu'il n'a jamais été envisageable de ne pas l'avoir.
Et dans cet "ordre des choses", il doit y avoir quelque part écrit que quand quelqu'un reçoit un diplôme, il faut lui mettre la pression, des fois qu'il ne réalise pas, et lui ressasser du "tournant important", "nouvelle ère", "âge adulte", "début de carrière", "autre vie", etc. Et à force de persuasion, le jeune diplômé peut presque être convaincu que quelque chose en lui va mourir et qu'il va renaître un être neuf et vierge muni d'un bout de papier ouvre-serrure à la limite du passe-muraille. Not quite that I'm afraid. Je ne me suis pas réveillé le lendemain un nouvel homme, sautant tout guilleret de mon lit pour me faire la barbe, me gominer les cheveux et m'asperger d'eau de Cologne, le tout en chantonnant avant d'enfiler un impeccable costume de consultant, quitter mon appartement de jeune diplômé avec un attaché-case sous le bras et porter deux doigts à ma bouche pour héler un taxi afin qu'il me conduise au siège de ma société pleine de jeunes diplômés souriants et hyper branchés (que de poncifs dans ce billet …). Remarquez, ça aurait pu me plaire.
J'ai opté pour la continuité, j'ai gardé mes jeans, et j'ai repris l'avion pour Princeton. On pourrait dire que stagiaire de recherche, ce n'est pas un vrai travail, et c'est vrai que ça ne valorise, en tout cas financièrement, pas du tout mon beau diplôme tout neuf. Malgré tout, je ne vois pas venir de réelle grande rupture, et certainement pas de rupture plus importante et plus enrichissante que celle qui m'a amené ici. Alors peut-être aurai-je des surprises en rentrant en France, mais non, ce diplôme est une bonne chose, mais pas l'évènement le plus marquant de ma vie, pas même de mon année 2006. Un pas de plus, parmi d'autres.

Sam, diplômé

Comments

[juju]

bon je sais je suis un peu à la masse et en retard (ca on peut le dire !) mais tout de même je te souhaite félicitation pour ton diplôme !!!!

[morgane]

"bienvenu dans le monde des grands"! On aimerait bien que notre statut privilégié d'étudiant dure plus longtemps (aspect financier mise à part!). Personnellement, quand j'ai du choisir à mon retour des us entre vie active et reprise des études, je n'ai pas (trop) longtemps hésité! par contre même les prolongations prennent une fin, après stage et thèse, va falloir s'y mettre, au boulot... :)

[Scary]

Oooh, je l'ai véxé là je sens! mais si mon ptit SamOuraï, ca ressemble presque à un vrai métier ce que vous faîtes ici. presque... en tout cas, bravo pour le diplôme monsieur, vous voilà un homme nouveau...