Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
My New Jersey Experience
18 décembre 2006

Here or anywhere else ...

Ce billet est celui dont l'écriture m'avait amené à écrire et poster Où l'on parle de déracinement. Il est toujours décousu, mais il fallait bien que je le publie un jour.

Matt est parti aussi. C'est la saison qui veut ça. Comme la semaine précédente, le parking de Siemens fut le théâtre des derniers échanges. Sans les larmes cette fois. Et en remontant dans mon bureau, j'eus cette impression moyennement agréable de déjà-vu. C'était à nouveau la fin d'un cycle que je prenais en pleine gueule.

Mars 2006. Je suis arrivé, comme tout le monde je crois, la fleur au fusil, avide de découvrir, ayant fait l'effort de surpasser l'abandon de tout ce qui m'était familier, habituel ou cher sur un autre continent. Et j'ai accepté comme une évidence que mon envie résonne comme un écho chez ceux qui sont arrivés dans la même période. Elle se fondit dans l'envie collective. Ensemble, nous allions vivre des choses formidables, indéfinissables à ce stade, mais sans nul doute formidables. Cela tombait suffisamment sous le sens pour que la question ne se pose pas. Et à toutes ces personnes, indissociables des souvenirs, des voyages, des anecdotes, des fous rires, des engueulades et des galères, inévitablement, j'ai fini par m'habituer  (ce qui est un euphémisme que mon ego m'oblige à substituer à "m'attacher"). Avide d'insouciance, pressé de construire une vie dont je pourrais être fier, je n'y pensais pas, mais c'est arrivé.

Puis vînt le moment des premiers départs. Pour tous, jeunes filles au pair, étudiants ou stagiaires, ce séjour est une parenthèse, conçu comme tel depuis le début. Mais quand celui qui part, et le fait pour de bonnes raisons, réalise qu'il aimerait tellement rester, aussi mauvaises que soient ses motivations, quand ceux qui restent ne peuvent que constater qu'il y a un vide dans leur espace, et quand tout ça à un goût amer d'inachevé, il y a des parenthèses qui se ferment mal. Alors que je restais avec tous ces gens pour ne pas découvrir le pays seul, je réalisai que je voulais maintenant rester dans le pays, pour encore découvrir ces gens. Le piège affectif. Quand peut importe l'endroit, l'important est la compagnie, les questions fusent et les problèmes (re)font surface. Et alors que les larmes de ceux qui nous quittaient me renvoyaient à mon envie de rester, je comprenais, mais un peu tard, que mon propre départ de Princeton allait être aussi sinon plus dur que mon départ de France. Et ça, ça n'était pas dans le Plan.
C'est seulement à ce moment que j'ai commencé à comprendre la distance que certains jeunes employés ou stagiaires qui sont là depuis longtemps conservent à l'égard des nouveaux arrivants, que leur absence d'enthousiasme peut être une protection contre de désagréables situations trop de fois vécues. En fait je ne l'invente pas. On a fini par me le dire. Ca voulait aussi dire, qu'après neuf mois ici, après avoir vu passer toute une génération de stagiaires et vécu mon premier cycle, j'étais apte à comprendre. Une façon de me souhaiter la bienvenue dans leur monde.

Ceux qui ont fait corps dans une expérience exceptionnelle, parce qu'ils savent que le contexte était au sens propre extraordinaire, ont une conscience tacite que leurs vies ne seront peut-être plus jamais liées et qu'il est infiniment peu probable que le groupe se reforme sur une île paradisiaque au milieu du Pacifique, financé par un business angel qui le laissera libre de faire ce que bon lui semble. Parce que ceux qui sont venus, pour la plupart, ont ça dans le sang, et ils continueront à explorer ce qu'ils pourront explorer, avant finalement, peut-être, un jour distant, de décider qu'il est grand temps pour eux de poser leurs sacs. Mais parce que leurs vies ne seront pas non plus parallèles et parce que leurs origines sont plus ou moins communes, il y a des chances, plus importantes, qu'ils se recroisent.
Et s'il arrive que nos péripéties nous conduisent dans la ville de villégiature d'un de nos anciens amis expatriés de Princeton, alors il est possible que certaines économies faites sur la facture d'un hôtel servent à régler quelques additions alcoolisées. Cette idée, aussi insuffisante paraisse-t-elle au moment des départs, a ceci de réconfortant qu'elle nous rappelle que nous ne mourrons pas les uns pour les autres au moment de la séparation, et qu'aussi compliquées que soient les relations à distance, il y a, dans une certaine dimension de l'espoir, une chance que nos amis d'ici restent nos amis d'ailleurs. Suffisant pour me donner envie d'y croire.

Sam, here for now

Publicité
Commentaires
S
Rémi aussi nous a fait le coup de la disparition. Troisième semaine de suite. Mais il a été fort, il a fait un énorme sketch, il a tout commencé après le dernier moment, et on a du le traîner en courant sur le parking pour qu'il ait son train. <br /> Bon vent à Paris.
S
Mais tais toi donc, on sait tous que tu nous a déjà oublié et que tu la coules douce entre Mexico et Acapulco. On suit tes péripéties sur Google Analytics, tu laisses des adresses IP derrière toi comme un débutant !<br /> Allez, bonne période d'acceptation et de phrases mises au passé, à bientôt !
S
"noyer ta tristesse affective dans des textes non moins touchants et sous une analyse tellement detaillée et objective qu'elle en diminue la charge émotionnelle"<br /> Non mais qu'est ce que tu crois, je suis du côté des rationnels moi Monsieur Lohn in Johndon, je raconte, je décris, je généralise et j'anticipe, moi, je ne pleurniche pas, tu me connais. Sauf peut-être quand Vince est parti, mais bon c'est de sa faute.<br /> Et merci d'avance pour ta future proposition d'embauche, je ne pensais pas que ce blog pouvait me faire sauter les étapes ressources humaines ! Mais on n'en est pas encore là, hein ?
S
Matt, que ne soit pas si sentimental, met toi toi-même ensemble (ça m'étonnerait que tu fasses accepter cet affreux angliscisme par l'Académie Française), ne déprime pas à Nancy, et reviens nous en pleine forme début janvier :). Et puis continue à taper dans tes mains, tu verras, ça finira par marcher, on se recroisera bien un jour.
M
Pardon, trop d'emotion, il faut que je me mette moi-meme ensemble (comprendra qui pourra) ...<br /> Bisous les jeunes
Derniers commentaires
Publicité
Publicité